30 nov. 2012

La révolution brassicole espagnole atterrira au Québec


Il est rare qu'on puisse tomber sur autant de produits totalement 
inconnus du reste de la planète brassicole!

L'Espagne brassicole pourrait changer, pour le mieux, si les acteurs principaux de la révolution prennent les bouchées doubles. Imaginez le Québec brassicole d'il y a 12 ans: c'est ce qui se passe présentement là-bas, surtout en Catalogne. De petits brasseurs osent brasser des produits qui quittent la norme établie par les brasseries industrielles omniprésentes afin d'offrir des saveurs plus variées, voire même plus racées. Grâce à Importation Privée Bièropholie, nous aurons la chance en 2013 de témoigner de ces premiers balbutiements de la révolution brassicole espagnole. Une première hors-Europe pour tous ces brasseurs! 

Voici donc quelques commentaires sur les brasseries auxquelles nous aurons accès. Nous n'avons fait qu'un voyage là-bas récemment, mais espérons que ce soit assez pour vous éclairer quelque peu sur les produits offerts:

-La Cibeles, brasserie de Madrid, nous propose une IPA et un Barley Wine. Si elles sont aussi riches que leur Rauch et leur Triple IPA que nous avons bues, elles seront parfaites pour nous réchauffer lors des températures froides et humides de la fin de l'hiver.

-ArtCervesers, au nord-est de Barcelone, nous enverra de la Coure,  de la Flama et de la Fosca. Nous avons seulement dégusté la Coure, qui est très généreuse de ses épices de Noël et de son malt caramel. Une cousine espagnole des bières belges de Noël, disons.

-Domus, de Toledo, au sud de Madrid, nous présentera la Aurea, la Europa et la Summa. Deux IPAs et une Scotch Ale. Ces bières n'étaient pas disponibles à Barcelone lors de notre voyage, alors nous les découvrirons avec vous!


-Dougall's, sur la côte nord du pays, brasse surtout des styles britanniques de façon impeccable. La  Leyenda est une ESB biscuitée et délicatement caramélisée équilibrée par des houblons feuillus et épicés. La Tres Mares unit pêches, caramel et résines aux côtés d'amandes. La  942 quant à elle est une American Pale Ale houblonnée, entre autres, au cultivar Simcoe.

-Fort Cerveza Artesanal est basée à Barcelone même. Ils nous proposent Oatmeal Porter et IPA. Elles seront nouvelles pour nous aussi.

-Autre nouvelle pour nous, les bières de L'Anjub. La Juliette, une Stout, et la 1902, une Pale Ale.

-Les Clandestines est une toute petite brasserie (une autre!) au nord de Tarragona. Ils font une panoplie de bières digestes, non filtrées et non pasteurisées, embouteillées dans de belles 750ml.

-Marina est un autre de ces brasseurs qui loue l'équipement d'une brasserie plus grande afin d'y concocter ses produits. Nous aurons accès à la Mas Cremat, la IPA et la Pale Ale.

-La dernière mais non la moindre, Zulogaarden,  a déjà présenté ses talents aux Québécois. C'est Angel, son maître-brasseur, qui a brassé la Catapulte avec la gang du Benelux récemment. Nous aurons donc plusieurs bières bien houblonnées de sa part, dont deux versions de la Arruganukas (une uniquement houblonnée de cultivars néozélandais), la Norai, la Sang de Gossa, la Vibria et la Viernes 13, possiblement la bière la plus intense de cette commande toute espagnole.


 Angel, de Zulogaarden

Si vous désirez aller déguster ces produits sur place, à Barcelone, ville que la révolution brassicole espagnole semble avoir adopté, lisez notre article sur ce sujet dans le dernier numéro du Bières et Plaisirs.

Schlafly et Jester King en importation privée


Importations Privées Bièropholie a finalement pu mettre la main sur des brasseries américaines! Après une bonne centaine de refus (sans exagération), voici que deux brasseries, de grande qualité par surcroît, nous ont tendu la main. Question de vous aider dans vos achats, voici une présentation des deux brasseries à l'honneur:


JESTER KING

Le Petit PrinceC’est de l’éclatée Austin, aux antipodes de son Texas natal, qu’a surgi Jester King il y a environ deux ans. La montée de la réputation de cette micro a été fulgurante bien qu’elle n’ait pas abusé sur le nombre d’offrandes, à peine 25 différentes bières depuis son ouverture. Clairement, on vise le marché niche de la bière de spécialité. Vieillissement en barrriques, Saison exotique, styles traditionnels rarissimes (une Gotlandsdricke, quelqu’un?), IPAs déjantées, Imperial Stouts ténébreux, la commande de Bièropholie devrait nous permettre d’avoir un bon aperçu de cette brasserie qui a résolument la cote chez nos voisins du Sud. Suivre la mode sans avoir besoin d’acheter du tissu? J’embarque!




SCHLAFLY

Tasmanian IPASchlafly roule sa bosse dans la région de St-Louis en plein centre des États-Unis depuis de nombreuses années et avec Boulevard, fait carrément la loi parmi les micros du Missouri. Contrairement à Jester King, nous avons ici affaire à une brasserie touche-à-tout, dont la qualité générale des produits est très élevée. Il est en fait impressionnant de constater que cette micro produit à la fois une Kölsch à l’équilibre exemplaire, une ESB fort réputée, un Barley Wine vieilli en fût de bourbon décadent et une Bière de Garde authentiquement rustique. Ils font de tout et tout est au moins bon, ce qui, avouons-le, est plutôt rare en ce bas monde et peut-être particulièrement où le grand nombre de brasseries en poussent plusieurs vers la spécialisation.

22 nov. 2012

Les brasseurs québécois: entrepreneurs à contre-courant

Deux nouvelles brasseries verront le jour sous peu à St-Jean-sur-Richelieu, deux autres à Drummondville, quelques-unes autour de Québec et non moins de quatre ont récemment ouvert leurs portes sur la rive nord de Laval. Et nous en passons. Tout cela, dans l'espace de quelques mois. Et l'histoire se répète depuis quelques années au Québec, sans signe d'essoufflement aucun. Les entrepreneurs brassicoles du Québec, de toute évidence, font légion.

Quand les journaux étaient un brin moins occupés à discourir de l’incapacité de l’industrie du coffre-fort à approvisionner adéquatement les gestionnaires municipaux québécois, ils traitaient souvent de la question de l’entrepreneuriat. Le Québec a presque toujours traîné un taux de chômage supérieur à la moyenne canadienne ces dernières années. Comme nous ne pouvons tous être employés de l’état, c’est encore pas l’entreprise privée que la création d’emplois doit majoritairement provenir. Or, il semble qu’en ce domaine, généralement, les Québécois soient frileux. Peu d’entre eux seraient munis du gêne entrepreneurial. Comment expliquer alors l’explosion de microbrasseries? Bien que très peu de brasseries québécoises aient fait faillite au cours de la dernière décennie, il n’en demeure pas moins que c’est une industrie risquée. Risque de passer inaperçu parmi les centaines de produits différents désormais disponibles. Risque de souffrir des envolées du coûts de l’essence qui font exploser les frais de livraison. Risque de fragilité du produit qui a généralement une durée de vie limitée. Risque d’approvisionnement en ingrédients parfois difficiles à dénicher. Risque de saisonnalité, la bière étant plus populaire l’été. Nous pourrions lister une centaine de risques, certains spécifiques à l’industrie sans avoir fait le tour de la question. Conclusion : pour lancer sa microbrasserie, il ne faut pas avoir froid aux yeux. 

Dominique Gosselin, maître-brasseur et co-propriétaire des Brasseurs du Temps
Photographie de David Gingras


N’empêche, plusieurs aventuriers se lancent à corps perdu dans l’aventure sans oublier les moult projets en branle, à diverses étapes de développement. Pourquoi les brasseurs vont-ils ainsi à l’encontre de la tendance québécoise, peu portée vers la prise de risque? Hypothétiquement pas pour l’appât du gain, peu de brasseurs emmenant leurs enfants à la garderie en Ferrari. Est-il possible que ce soit simplement la passion? Une passion pure et forte qui amène ces braves gens à surmonter embûches et lourdeurs administratives au péril de leur sanité afin d’espérer survivre en faisant jour après jour des tâches répétitives, certes, mais des tâches qui ont une profonde signification pour eux? Des tâches qui les tiennent loin de la monotonie assumée du monde des assurances, mais qui mettent à profit leur créativité tout autant que celle de l’actuaire réalisant avec excitation ses calculs de probabilité de mort par la foudre à Longueuil en 2027.

Quel plaisir ce doit être de manier le fourquet dans une marmite de 1 000 litres de moût bouillant alors qu’il fait 32 dehors en juillet. Quelle satisfaction que de laver le plancher de la brasserie avec un boyau de pompier pour la vingt-deuxième fois de la journée! C’est sans compter les cohortes de gamines collégiennes qui courent les festivals, entre deux barbus hirsutes, afin d’exiger du brasseur qu’il paraphe leur intimité. Le monde de la bière, c’est bien illustré dans les publicités télévisuelles, sait mettre en valeur la gent féminine. Les brasseurs, pas plus fous que les pompiers et autres hommes virils arborant l’uniforme, même si l’uniforme se limite à une paire de bottes de pluie, savent profiter de telles opportunités d’acoquinements. Peut-être y trouvent-ils une compensation additionnelle à celle de consacrer leurs journées à prétendre faire ce qu’ils aiment, alors qu’ils passent la majeure partie de leurs journées à remplir des formulaires, à gérer des employés pour qui l’absentéisme est une vertue, à tenter de grappiller quelques cents sur leurs commandes d’approvisionnement. Bref, ils passent la majeure partie de leur temps à faire exactement ce qu’ils faisaient avant de devenir brasseurs professionnels. Mais au moins, maintenant, ils sont brasseurs professionnels. Et ces tâches, ils les font par choix, ils les font pour eux. Grand bien leur fasse, grand bien nous fasse!

19 nov. 2012

Le langage des amateurs de bières de dégustation


Dans cette série de billets sur le vocabulaire utilisé par une majorité d'amateurs de bière de dégustation, nous tenterons d'explorer des tendances langagières récentes nées soit d'un isolement virtuel (communication par internet), soit d'un environnement de plus en plus "spécialisé" faisant fi du sens transmis auprès d'une population néophyte. Peu importe la question abordée, il se peut fort bien que nous méritions de visiter le bûcher autant que vous...


Photographie de David Gingras

Question #1:
Lorsque nous publions nos commentaires de dégustation sur internet, est-ce que nos goûts personnels doivent avoir préséance sur une juste description de la bière en question?

L'amateur de bière de qualité se croit souvent plus ouvert d'esprit que le buveur moyen. Après tout, il boit des bières racées, remplies de saveurs parfois intenses, mais surtout très différentes de celles des bières génériques de brasseries industrielles. Cependant, il nous arrive de constater, surtout sur des forums virtuels sur le sujet et/ou sur des sites tels Ratebeer.com ou Beeradvocate.com, que certains de ces dégustateurs semblent fortement privilégier un profil de saveurs particulier à tout autre. Par exemple, il n'est pas rare de lire qu'une Pilsener est parfaite pour le style, croustillante, bien équilibrée, etc. Mais lorsque la personne en question inscrit son pointage sur Ratebeer, par exemple, on remarque étonnamment que cette bière d'apparence impressionnante (si on se fie au langage utilisé pour la décrire) frise à peine le 3 sur 5. La raison: "cette bière ne cadre pas dans mes goûts personnels", nous confie le dégustateur en question. 

N'ayez crainte, il n'y a pas que le passionné de bières liquoreuses qui regarde les bières de soif de haut.  Il existe aussi certains dégustateurs qui décrivent une bière liquoreuse et richement caramélisée tel un Barley Wine anglais avec des termes tels "manque de buvabilité" et "trop sucrée" même si ce type de produit ne vise surtout pas la 'buvabilité' ou une parcimonie au niveau des sucres résiduels. On aurait dit que ces buveurs recherchent le même profil peu importe le type de bière en dégustation. Dans ce cas-ci, surtout pas de sucres résiduels qui encombreraient la facilité avec laquelle ils ont le goût de boire à ce moment précis. Les goûts personnels priment sur tout, sans souci pour l'objectif premier du produit.

À vous de trancher: est-ce qu'une appréciation juste du produit, teintée de parcelles de subjectivité, serait préférable au partage sans filtre d'impressions personnelles lors de communications virtuelles? Ou est-ce qu'un tel filtre ne ferait que mettre des obstacles vers notre atteinte du plaisir?

9 nov. 2012

La Double Bonheur, du Cheval Blanc, à Montréal


Le pub du Cheval Blanc 
(Photographie d'Olivier Germain)

Maintenant que la transition de maître-brasseurs est chose du passé, on peut véritablement profiter des talents d'Isaël Dagenais au fourquet de la légendaire taverne du Cheval Blanc. Sa toute première création, la Double Bonheur, donne le ton pour une ardoise qui ne sera jamais chiche en houblonnage généreux. Amateurs de bains de mousse et de robes de chambre, cette douillette création des plus parfumées est pour vous!

Style : Une India Pale Ale (presque Double IPA) très généreusement houblonnée puis gazéifiée avec une proportion élevée d'azote. Cette utilisation d'azote, commune pour les Stouts, a entre autres pour effet de baisser la teneur en acide carbonique, ce qui attendrit la morsure du houblon en amertume en plus de donner l'impression que les fruits tropicaux de ces mêmes houblons ont été confits.

Disponibilité: À tous les deux mois (environ), en fût exclusivement au brouepub de la rue Ontario.

Le coup d’œil : Les nombreuses bulles crémeuses cascadent à travers une robe dorée brumeuse avant de s'installer dans un duvet dense aux apparences fouettées. Le pâtissier du coin ne ferait pas mieux en matière de présentation.

Le parfum : Une envoûtante salade d'agrumes semble se métamorphoser en jujubes de temps à autre, soupesant quelques notes résineuses trouvées ici et là.

En bouche : La Double Bonheur sait soutenir ses houblons explosifs grâce à des céréales croquantes et légèrement miellées, toujours appuyées par cette impression ultra-crémeuse conférée par la gazéification à l'azote. Les 7% d'alcool ne paraissent pas du tout. C'est le confort suprême.

La finale : L'amertume résineuse est contrôlée par de subtils sucres résiduels mais surtout par la faible teneur en acide carbonique de la bière (gracieuseté de la gazéification à l'azote). 

Accords : La boustifaille du Cheval Blanc étant limitée à quelques snacks, nous préférons vous suggérer de marier votre Double Bonheur à toute conversation révolutionnaire que vous désirez entamer avec les gens autour de vous. 

Pourquoi est-ce un grand cru? : Le nivellement des sucres résiduels et de la concentration d'azote créent un corps luxueux, parfait pour soutenir les parfums de houblons avenants. Il est rare qu'une IPA à l'américaine puisse faire office de dessert, mais celle-ci réussit ce tour de force avec brio.

Si vous avez aimé, essayez aussi : La Hop'n'Cream, du Siboire (à Sherbrooke), la India Cream Ale, de la Brasserie Dunham (à Dunham) et la Mea Maxima Culpa, de Dieu du Ciel! (Montréal).

6 nov. 2012

La chance du débutant: mon coming-out

Le chais du Trou du Diable tel que vu par David Gingras, photographe
 
Excusez-moi, car j’ai péché. En effet, il semble que mon rôle d’amateur de bières sérieux autoproclamé implique un dévouement exclusif à l’empyrée de la bière. Or, il m’arrive de transgresser ces vœux pourtant sacrés. En effet, bien que les microbrasseurs québécois arrivent fréquemment à me surprendre en abordant des contrées parfaitement inattendues, je me surprends à l’occasion à rechercher de nouvelles flaveurs. Qui plus est, je me surprends parfois à rechercher ces flaveurs originales ailleurs que dans le monde de la bière. Certes, cette dernière est la plus variée, la plus étendue des boissons. N’empêche, il est de ces moments où l’envie d’étendre les frontières pourtant fort flexibles du monde de la bière s’empare des dernières traces de raison qui m’habitent. Je me paie alors une aventure avec le vin, la seule prostituée avec laquelle j’eus osé traiter à ce jour.

 

Et c’est sincèrement sans regret que j’ai entrepris un tel plongeon vers l’infidélité. Pas que ma concubine habituelle fut insatisfaisante. La bière, après tout, m’a accompagné fidèlement dans moult moments joyeux et moins joyeux. Cependant, après quelques années de fidélité indéfectible, et sans les attaches habituelles du contrat de mariage de la société civile dans laquelle on vit, je me dis qu’il serait sans doute approprié d’explorer davantage le vaste étendue des flaveurs disponibles à l’amateur de breuvages alcoolisés. Pourquoi se limiter au jus de malt quand il existe aussi du jus de raisin. Certes, au Québec, le raisin fermenté s’avère généralement plus dispendieux que son homologue céréalier. Néanmoins, le fruit propose quelques saveurs que la céréale peine à rendre aussi judicieusement, qu’il s’agisse de tannins ou d’acidité. Comment l’amateur de bière montréalais que je suis peut-il accéder à un univers de pH dérisoire digne de celui du vin sans acheter un aller-simple pour Bruxelles et son Pajottenland connexe. Peut-être serait-il plus simple d’opter pour une bonne canisse de petits fruits du vieux continent en vente libre à la SAQ afin d’assouvir nos fantasmes de liquides non basiques.

 

Bref, j’accepte l’étiquette de traître et continuerai vraisemblablement de la porter au gré de mes goûts évolutifs. Le vin joint encore mon âme et plus qu’occasionnellement. En particulier, j’apprécie sa capacité à m’insuffler le souffle d’humilité propre au débutant. Vous vous rappelez vos premières incursions dans l’univers de la bière? Vous vous souvenez comme la moindre référence à un style dont vous ignoriez précédemment l’existence suffisait à vous extirper une chair de poule en bonne et due forme? Ces temps sont-ils révolus? Vos connaissances seraient maintenant trop raffinées pour vous permettre d’accéder à la béatitude toute naturelle du « débutant »? Quel meilleur raccourci que de trahir, l’ombre d’un instant, la bière pour lui préférer son rival favori : le vin.  C’est une question à laquelle je n’ai pas tenté de répondre, ayant préféré cédé sous la pression du choix et surtout, sous la densité du jus de raisin non fermenté. Allez, appellation qui m'est inconnue, fais-moi explorer un territoire qui m'était jusqu'ici inconnu. Fais-moi ressentir la douce allégresse que seul l'innocent peut ressentir... Vivement la relation amoureuse à ses balbutiements, vivement la découverte de l'inconnu.
 
Will you drink to that?