22 déc. 2011

Guide de voyage brassicole – La Belgique : introduction


Peu de pays suscitent l’enthousiasme des amateurs de bières autant que la Belgique. C’est souvent de ce plat pays que proviennent les bières qui nous ont portés à tourner le dos aux grandes brasseries industrielles et à leurs produits homogènes. Pas mal pour une contrée d’à peine 11 millions d’habitants, 55 fois plus petite que le Québec de surcroît !


Cette petitesse du territoire est un des facteurs qui fait d’un périple en Belgique une initiation logique au tourisme brassicole. On traverse le pays d’un sens comme de l’autre en deux heures de route. Pour convaincre votre tendre moitié d’entreprendre pareille épopée, utilisez des arguments éprouvés comme le charme romantique de Bruges, dite la Venise du Nord, le réconfortant accent wallon, le dynamisme de la capitale européenne Bruxelles, l’excellence des chocolatiers, la chaleureuse hospitalité des Belges une fois les introductions faites et une culture gastronomique donnant droit à des festins répétés même dans les endroits où l’on s’y attend le moins.


Un autre facteur rendant la Belgique idéale pour un voyage brassicole est évidemment l’immense variété de produits offerts. Les quelques 150 brasseries belges produisent plus d’un millier de bières différentes à l’année. Mieux encore, la culture de la bière est si bien implantée que le moindre bistro campagnard risque d’avoir une dizaine d’offrandes en bouteille à moins de 5$ pièce. Le plus petit dépanneur de Belgique propose probablement au moins de la Chimay et de la Duvel pour moins de 3$ l’unité. N’empêche, ce n’est pas nécessairement ce que le Belge moyen boit. Ici comme ailleurs, des brasseries inscrites en bourse dominent le marché de leurs lagers dorées qui n’ont rien d’artisanal. Les Jupiler et Maes Pils jouissent d’une ubiquité similaire à celle de nos Molson Ex et Labatt Bleue. Ça tombe bien que vous n’ayez pas besoin de chercher ces bières en Belgique puisque nous n’avions pas l’intention de vous en parler. Ce qui nous intéresse en Belgique, ce sont surtout les milliers de bières artisanales qui jouent le rôle du vin à table plus que n’importe où ailleurs sur la planète.


Pour résumer la planète bière belge en un mot, plusieurs seraient tentés d’utiliser «créativité». Les brasseurs belges font toutefois des bières différentes depuis plusieurs générations et se montrent majoritairement conservateurs dans leur créativité, produisant une variété de bières qui était plus étonnante comparativement au reste du monde il y a 20 ans qu’elle ne l’est aujourd’hui. De nos jours, on recense une variété tout aussi impressionnante au Québec, en Italie, au Danemark ou aux États-Unis, où les brasseurs subissent davantage les influences internationales. D’ailleurs, les brasseries les plus créatives de Belgique destinent surtout leurs produits à l’exportation. Ce qui fascine tant leurs clients d’outre-mer se résume tout entier dans le mot « levure ».

La levure est l’arme secrète (ou l’âme secrète?) des bières belges. Plusieurs brasseries possèdent leur propre souche bien distinctive, laquelle se traduit par un caractère maison unique. En quelque sorte, la levure belge est une expression du terroir dans la bière. Chaque établissement la protège scrupuleusement et bien que plusieurs brasseries belges semblent bien rustiques comparativement aux systèmes immaculés de maints broue-pubs nord-américains, elles n’accordent pas moins un soin obsessif à la santé de leur levure.

Les levures belges ont une telle importance sur la scène brassicole internationale que le terme « belge » est un descripteur généralement accepté pour décrire le caractère d’une bière, peu importe son origine, aux arômes fermentaires rappelant ceux typiques de Belgique. Quel est-il, ce caractère ? On pourrait le décrire comme fruité et épicé. Les souches de levure belges tendent à produire beaucoup d’esters fruités, notamment parce que les bières sont souvent fermentées à des températures particulièrement élevées. Cependant, les levures anglaises produisent aussi des notes fruitées, alors ce n’est pas spécifique aux levures belges. Les levures belges sont toutefois plus généreuses en notes phénoliques que les levures anglaises. Les notes phénoliques sont principalement responsables des soupçons d’épices qui distinguent les bières belges. Le seul autre type de levure qui a un impact aussi marqué sur le produit fini est celui qui est utilisé pour les Weizen, ces bières de blé allemandes. Ce type est toutefois assez facilement identifiable par ses effluves dominants de clou de girofle et de banane. Ces arômes sont aussi souvent perçus dans les bières belges, mais généralement plus étalés à travers des ramifications de poire, de fruits jaunes, de raisin, de poivre… Les levures belges produisent plusieurs des bières les plus complexes de la planète et grâce à diverses techniques, celles-ci ne sont pas lourdes pour autant. C’est cet univers fascinant que nous explorerons au fil des prochaines semaines. Le prochain article commencera par l’opération délicate de définir ce qui se fait en Belgique. Vous noterez que nous évitons volontairement de parler des styles de bière belge ; nous vous expliquerons pourquoi sous peu !


2 commentaires:

Joris P. a dit…

Eh bien, mes deux lascars, vous m'avez rendu curieux... ;^}

Martin Thibault a dit…

Comme si tu avais besoin d'info sur ton pays, Joris... ;P