28 févr. 2011

Dégustation de cidres de glace à l'aveugle (Partie 2)

Appuyez sur ce lien pour lire la première partie


Clos Saragnat: notre grand gagnant!



St-Ignace Glace des Épouffètes et Eden Honey Crisp: des raretés!




Voici enfin les résultats de notre dégustation.


Le cidre de glace de Leduc-Piedimonte a su conquérir le jury



Pour votre compréhension, chaque participant devait évaluer les cidres en fonction de quatre critères : l’arôme (sur 10), l’équilibre (sur 10), la complexité (sur 10) et l’appréciation générale (sur 20). Voici, le classement des cidres dégustés :


Belle prestation d'Antolino Brongo







Classement Cidre Arôme Équilibre (Alcool, sucres, acidité) ComplexitéAppréciation générale Total Nombre de top 3
1 Saragnat Avalanche 2008 8 9 9 18 42,9 8
2 St-Nicolas Cidre de Glace 8 8 8 17 40,8 7
3 Leduc-Piedimonte Cidre de Glace 7 7 8 16 38,0 3
4 Petit et Fils Frisson 6 7 7 16 37,5 4
5 Antolino Brongo Cryomalus 7 8 7 16 37,4 2
6 Pinnacle Réserve Spéciale 7 7 8 16 37,2 4
7 Face Cachée de la Pomme Neige Première 7 7 7 16 37,2 3
8 Antolino Brongo Cryomalus Passerillé 7 8 7 15 37,1 3
9 Face Cachée de la Pomme Neige Réserve 2008 7 8 7 15 36,9 2
10 Clos St-Ignace Glace des Épouffètes 7 7 7 15 35,2 1
11 Lafrance Cuvée Spéciale 2006 7 7 7 14 34,6 2
12 Philion Friga 6 7 6 15 34,5 2
13 Face Cachée de la Pomme Récolte d’Hiver 2008 6 7 6 15 34,2 0
14 Face Cachée de la Pomme Cuvée Inspiration 2003 6 6 7 14 34,1 3
15 Pinnacle Cidre de Glace 7 7 7 14 34,0 1
16 Lafrance Cidre de Glace 6 7 7 14 33,8 2
17 Pomme du St-Laurent Cidre de Glace 7 6 7 14 33,5 1
18 Clos St-Denis Pomme de Glace 6 7 6 14 33,3 0
19 Du Minot Crémant de Glace 6 8 5 14 33,0 0
20 Eden Honey Crisp (Vermont) 6 6 6 14 32,3 2
21 Val-Caudalies Réserve d’Éole 2007 66 6 13 32,0 0
22 Eden Vermont Ice Cider 6 7 6 13 31,7 0
23 De la Colline Cuvée Précieuse 6 6 6 13 30,5 2
24 Leduc-Piedimonte Réserve Privée 2004 5 5 6 11 27,9 0
25 Michel Jodoin Cidre de Glace 5 5 6 12 36,7 0
26 Lacroix Givre de St-Joseph 5 6 5 11 26,4 0
27 Pinnacle Cidre de Glace Pétillant 5 5 5 11 25,3 1
28 Clos St-Denis Fine Pomme de Glace 4 4 4 9 20,6 0



Performance intéressante et belle complexité pour l'aîné de la dégustation



La cryoextraction selon Pinnacle: classement plus qu'honorable



Conclusion : En conclusion, nous ne pouvons nous empêcher d’être surpris par les résultats. À l’aveugle, les préjugés n’ont plus d’importance, mais au final, ces mêmes préjugés nous rendent tout de même surpris par les pauvres performances de certains favoris et les remarquables positionnements de certains négligés. Pour récupérer le tout, il convient évidemment de préciser que les résultats ne représentent pas un gage de qualité ou de médiocrité. Ils représentent simplement l’image des opinions des convives lors d’une journée précise. Le taux d’alcool dans le sang, l’interprétation des saveurs oxydatives dues à l’âge avancé de certaines bouteilles, la saturation des papilles, les allergies aux animaux, l’influence des pairs, la nourriture consommée lors de l’événement… tous ces facteurs et bien d’autres ont sans doute eu un impact sur les résultats. Nous avons néanmoins tenté de contrôler les principaux biais éventuels par une standardisation des verres, un rinçage systématique, un approvisionnement constant en pain et en eau pour préserver l’état des papilles. Ainsi, notre palmarès se trouve donc loin d’être parfait, mais représente tout de même ce que nous avons trouvé de mieux comme compilation de dégustation indépendante de cidre de glace.


St-Nicolas: sans doute la belle surprise de la journée. Excellent rapport qualité/prix


Nous attendions plus d'éclat de l'excellent DomaineLafrance


Le raffiné Crémant de Glace du Minot: tout en fraîcheur, mais moins en richesse que ses rivaux



À ce stade-ci, il serait réellement intéressant de voir certains de nos lecteurs saisir la balle au rebond et organiser leurs propres dégustations de cidre de glace à l’aveugle. Il nous ferait plaisir de compiler et publier les résultats afin de développer une base de données plus significative. Alors, dixit Gaston Lepage, êtes-vous prêts à relever le défi?

Dégustation de cidres de glace à l'aveugle (Partie 1)



Quand on discute des fleurons du terroir québécois, il est souvent question, avec raison, des microbrasseries ou encore des fromagers. Sans vouloir enlever quoi que ce soit aux deux extraordinaires industries qui précèdent, l’industrie du cidre de glace est certainement, avec celle des produits de l’érable, un des fleurons pour lesquels le Québec a le plus de raisons d’être fier. L’industrie a été créée de toutes pièces au Québec et deux décennies plus tard, le marché mondial demeure outrageusement dominé par les producteurs d’ici. Au cours des dernières années, la croissance n’a pas ralenti, bien au contraire. Les gros joueurs que sont Pinnacle et Face Cachée de la Pomme déploient des plans de marketing dignes de grandes compagnies et contribuent ainsi à l’essor de la demande, internationale notamment.


Cet intérêt pousse plusieurs entrepreneurs moins scrupuleux à se lancer dans l’aventure. Après tout, un produit modifié (sirop d’érable comme cidre de glace) permet toujours d’obtenir des marges de profit supérieures à sa matière première. Au fil de nos dégustations de cidre de glace, nous avons rencontré quantité de chefs d’œuvre, mais aussi de plus en plus de déceptions depuis quelques années. Par ailleurs, comme notre principale passion est la bière, comme le cidre de glace demeure relativement dispendieux, comme son goût particulièrement sucré convient moins à la consommation quotidienne, nos contacts avec le cidre de glace sont somme toute espacés. Fréquemment, nous passons quelques mois sans bénéficier d’un seul verre de cidre. Pas parce que nous n’aimons pas, mais plutôt par souci de ne pas sombrer trop profondément dans l’alcoolisme, une précaution que d’autres appelleraient un simple concours de circonstances. Dans ce contexte de dégustations très éparses, il est difficile de se faire une tête. Nous avons une idée de l’identité de nos cidres favoris, mais elle semble basée davantage sur les réputations que sur un quelconque fondement rationnel. Si des événements comme le mondial du cidre de glace permettent d’obtenir un remarquable tour d’horizon du marché, nous ne les attaquons pas moins avec nos préconceptions. Par ailleurs, dans un festival de cidre de glace, le rafraîchissement du palais devient rapidement problématique.


Face à toutes ces ambigüités, Les Coureurs des Boires ont voulu organiser une imposante dégustation de cidres de glace à l’aveugle. Car la dégustation à l’aveugle demeure la meilleure méthode pour avoir l’heure juste. Nous avions plusieurs objectifs : établir notre hiérarchie personnelle des principaux cidres de glace, comparer les appréciations de plusieurs individus, déterminer les meilleurs rapports qualité/prix, découvrir des produits que nous ne connaissions pas encore, confirmer ou infirmer nos illusions quant à nos cidres préférés…



Certains convives nous avaient surpris avec des boni. Ci-dessus, poiré de glace!


Pour entamer la divulgation des résultats, commençons par un aperçu de l’ampleur de l’activité :

- 18 courageux participants, amateurs de cidre et signataires d’un contrat d’hygiène corporelle minimale afin de ne pas ajouter leur propre trame olfactive à la dégustation
-16 évaluateurs séparés en 2 groupes de 8 qui notaient 16 cidres de glace chacun (les résultats ont été normalisés par un bénévole qui se targue occasionnellement d’avoir réussi ses Maths 536 du premier coup)
- 28 cidres de glace différents en 32 bouteilles

- Le plus vieux : Éloi Déit, 40 ans... Euhh… Face Cachée de la Pomme Cuvée Inspiration 2003
- Les plus chers : Clos Saragnat Avalanche 2008 à 13,60$ / 100 ml et Face Cachée de La Pomme Récolte d’Hiver 2008 (autrefois Frimas) à 13,50$ / 100 ml
- Les moins chers : Du Minot Crémant de Glace à 4,84$ / 100 ml et Philion Friga à 5,00$ / 100 ml
- Les plus forts : Pinnacle Cidre de Glace et Cidre de Glace Pétillant et Face Cachée de la Pomme Cuvée Inspiration 2003 à 12%
- Les plus légers : Du Minot Crémant de Glace à 7%
- Durée de la dégustation : environ 7 heures
- Nombre de sacs de récupération mis au trottoir le lendemain : un record d’arrondissement (rumeur à valider)



Le déroulement de la soirée allait ainsi : chaque invité devait remplir une feuille d’évaluation pour chaque cidre, celui-ci étant identifié selon son ordre de service. Les invités avaient un accès illimité à des pichets d’eau et à une table où un assortiment de victuailles permettait de débarrasser les papilles de leur excédent de sucres entre chaque dégustation. Tous les convives dégustaient dans des verres INAO. Ceux-ci étaient remplis dans une pièce isolée et distribués par une personne impartiale, sous serment professionnel, n’ayant aucun lien avec l’industrie du cidre de glace, ni celle de la construction d’ailleurs.


Avant de révéler le classement général, voici quelques constats établis en fonction de commentaires recueillis tout au long de la soirée.


Cryoextraction vs. cryoconcentration : Les deux principales méthodes de production. La cryoextration consiste à laisser les pommes une fois gelée sur les arbres, en milieu d’hiver alors que les sucres ont eu l’occasion de se concentrer naturellement. Les pertes de pommes sont donc très élevées, le rendement est moindre et les prix de vente sont nettement plus prohibitifs, jusqu’à 2 fois plus élevés que par cryoconcentration. Pour certains puristes, c’est toutefois la seule façon de produire un cidre de glace authentique. La cryoconcentration englobe toutes les autres méthodes, les pommes étant généralement cueillies à l’automne et gelées naturellement dans des bas ou aidées par des congélateurs. Un constat commun à plusieurs dégustateurs est qu’à quelques exceptions près, il était très ardu d’identifier les cidres produits par cryoextraction.


Les quantités : Environ une once (25 à 30 ml) de chaque échantillon a semblé être le volume idéal pour fournir une évaluation avec laquelle nous étions confortables.


Le prix garant de qualité? : La corrélation entre le prix et la note obtenue (moins de 0,03 de coefficient) n’est pas statistiquement significative. Comme le vin et la bière peut-être?


Les étiquettes : Peu de producteurs indiquent, à même la bouteille, des informations comme la méthode de production ou les variétés de pommes utilisées et dans quelles proportions. Dommage, car ces informations faciliteraient l’éducation des consommateurs.


L’étendue de la palette de saveurs : Des opinions divergentes à ce sujet. Plusieurs dégustateurs étaient surpris des grandes variations de flaveurs d’un cidre à l’autre. D’autres considéraient plutôt qu’ils finissaient tous par se ressembler.


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De durs lendemains...

24 févr. 2011

Brasserie Trois Dames (Suisse) et Cascade Brewing (ÉU), disponibles en importations privées

Deux nouvelles commandes ce mois-ci chez les Importations Privées Bièropholie. Une brasserie suisse empruntant quelques idées et saveurs aux américaines et une brasserie américaine s’inspirant des belges. Ne me dites pas que le monde de la bière n’est pas en pleine effervescence!

Trois Dames, de Sainte-Croix, Suisse

Pacific Pale Ale (5,4%)
Aussi aromatique que digeste, cette Pale Ale divertit à chaque gorgée grâce à ses pirouettes houblonnées. Oranges, poivre, feuilles et résine de conifère se succèdent sur le palais en parfaite harmonie.

Saison Houblon (6%)
Toujours soyeuse, cette Saison s’exprime dans la justesse de ses houblons épicés, ses clins d’oeil minéraux, ses céréales et ses levures rappelant le pain frais et sa finale acidulée. Agrumes et fleurs sont aussi au rendez-vous dans ce profil de saveurs fort authentique.


IPA (6,2%)
Fruits tropicaux et conifères flottent sur l’intense gazéification de cette India Pale Ale. À part cette effervescence marquée, sa sècheresse et son doux caractère levuré nous rappellent que ses origines ne sont pas américaines.

La Fraicheur du Soir (6,8%)
Coriandre, blé et écorces d’oranges allongent une salade d’agrumes sur les papilles, supportée par des céréales légèrement biscuitées. Cette Double Blanche marche sur un fil de fer; peut-elle vraiment à la fois désaltérer et réchauffer?

Saison Framboise (7%)
Acidulée et fruitée, cette Saison aux Framboises est le théâtre d’un savoureux mariage entre une personnalité bien rustique typique au style et des framboises juteuses. Elle rafraîchit malgré ses 7 degrés d’alcool.

Oud Bruin (7,2%)
Des fruits des champs et des cerises poussent allègrement au-dessus d’une coulée balsamique, alors que des parfums de vin rouge enveloppent des angles terreux et acidulés. Quelle belle incarnation d’un style beaucoup trop rare à notre goût!


Espresso Stout (7,5%)
Des grains de café surplombent un chocolat noir dans ce Stout svelte et facile d’approche. Ne vous laissez pas intimider par son pourcentage d’alcool. Cette bière se laisse prendre aussi aisément qu’un café matinal…

Nous n’avons jamais goûté à celles-ci, mais espérons le faire bientôt :

India Brown Ale (5,3%)
Une IPA brassée avec quelques malts caramélisés. La IPA régulière de la maison vibre de fraîcheur, alors reste à voir si l’harmonie existe entre la nouvelle recette de céréales et les houblons choisis.

Pasionaria Double IPA (9%)
Une Double IPA houblonnée à l’aide des cultivars Simcoe et Amarillo, du nord-ouest des États-Unis. On ne s’attend à rien de moins qu’une explosion de fruits tropicaux et de résines bien amères. Et nous sommes confiants que Trois Dames livrera la marchandise.

Cascade Brewing, de Portland (Oregon), États-Unis

Kriek (6,6%)
À de nombreuses lieues des Mort Subite et St-Louis Kriek, la bière aux griottes de Cascade saura conquérir les amateurs de lambics authentiques, acides et sauvages. Brassée avec 4 variétés de cerises et vieillie dans des barriques de chêne pendant un an, cette Kriek est à la base une Rouge des Flandres, un autre style bien trop rare dans nos contrées. Œnophiles, voici votre chance de découvrir un produit surprenant qui semble être un pont entre bière et vin.


Apricot (8,5%)
Cette ale aux abricots de Cascade sort aussi des sentiers battus et ne représente surtout pas une tentative de copier les bières sucrées, fruitées que brassent plusieurs grandes brasseries. En réalité, cette bière est une Tripel qui s’est métamorphosée grâce à une fermentation lactique de 8 mois dans des barils de chêne. Par la suite, les abricots sont rajoutées afin de poursuivre la fermentation. En bout de ligne, des saveurs de vin blanc accostent le fruité des abricots, lui-même accroché à une acidité lactique tenace. Pour amateurs de complexité autant que de sensations fortes.

22 févr. 2011

Hill Farmstead, une brasserie d'exception (2e partie)


Si vous n'avez pas lu la première portion de ce reportage, veuillez cliquer sur ce lien: 
Hill Farmstead, au Vermont (Partie 1)

À première vue, Shaun Hill excelle à chaque brassin. Franchement, tout ce qu’il brasse est complexe, harmonieux et facile à boire. Que demander de mieux! Un regard plus attentif remarquera toutefois que Shaun connaît ses forces. En effet, il travaille « seulement » trois familles de bières : les Saisons d’inspiration belge, les India Pale Ales houblonnées de cultivars américains et les Porters et Stouts corpulents. Il ne brasse donc pas des bières de « toutes les couleurs » afin de plaire à un plus grand nombre de visiteurs. Évidemment, si ces trois types de bières ne vous plaisent point, Hill Farmstead risque de vous décevoir. Cependant, toute papille amoureuse de qualité saura reconnaître, au moins, que tout ici peut épater, tant au niveau de l’exécution technique qu'à celui du plaisir gustatif.

Pale Ales, India Pale Ales et Double India Pale Ales

Edward (5,2%)
Les houblons de cette Pale Ale des plus avenantes proposent des saveurs épicées, herbacées et fruitées (oranges) évoluant dans un corps relativement sec, d’une douce effervescence. L’amertume équilibrée rajoute des tons boisés aux céréales croquantes. Un superbe exemple du style que l’on prend plaisir à ramener chez soi à coup de cruchons.

Single-Hop IPA (5,5%)
Comme plusieurs brasseurs américains l’ont fait ces dernières années, Shaun Hill prend plaisir à nous faire découvrir des cultivars de houblon en nous les présentant en mode solo, dans des India Pale Ales charnues. La version houblonnée uniquement au Nelson Sauvin néo-zélandais séduisait de son bouquet de fruits tropicaux et de raisins blancs adoucis par des céréales doucement caramélisées. Le Sorachi Ace japonais, le Citra américain et le Riwaka néo-zélandais ont aussi été explorés dans cette série d’IPAs mono-houblon.

Foster (6,5%)
Cette Black IPA brassée avec une généreuse portion de seigle harmonise des houblons résineux aux pointes de conifère à des céréales légèrement épicées, le tout dans un corps aussi douillet et facile à boire que toutes les bières de Hill Farmstead. Le taux de sucres résiduels peu lourd et la gazéification naturelle (non poussée par une bonbonne de CO2) aide grandement à rendre les bières de Shaun si confortables, peu importe leur taux d’alcool.

James et Jim (7,5%)
Une autre excellente Black IPA, cette James. La version vieillie en barriques de chêne français ayant contenu du Pinot Noir, nommée Jim, bouille de complexité, réussissant avec brio à marier les fruits tropicaux du Simcoe et les raisins noirs du vin rouge. Sur un lit de malts subtilement chocolatés, les houblons et les notes du baril se fondent en une amertume résineuse et poivrée. Talentueux et créatif, ce Shaun!

Abner (8%)
Une rare Double IPA brassée dans le nord-est de l’Amérique qui n’a rien à envier aux meilleurs exemples de la côte ouest américaine. Pamplemousses et fleurs bourgeonnent sur des céréales biscuitées menant à une amertume terreuse et résineuse. Dangereusement facile à boire, malgré ses 8% d’alcool.

Ephraim (10,3%)
Voici la bière dont les membres de BeerAdvocate et Ratebeer raffolent. Normal, c’est la plus intense de la gamme. Néanmoins, nous vous avouons que nous la trouvons aussi accomplie que le reste de la famille. Des malts miellés servent de tremplin aux fruits tropicaux de cette luxueuse Double IPA, lesquels pavent la voie pour une amertume bien résineuse, soutenue.


Saisons d’inspiration belge

Florence et Flora (5%)
Florence est une de bière de blé, empreinte du caractère rustique si fascinant des bières campagnardes wallonnes. Des esters de poires poussent parmi les houblons épicés, sculptant une bière de soif complexe aux angles citronnés. Flora, la soeur jumelle vieillie en barriques de chêne avec des levures sauvages, est peut-être plus douce, alignant des arômes bien floraux dans un corps sec et effervescent.

Edith (5,5%)
Edith est une cousine de la Florence, brassée avec quelques malts rôtis qui lui donnent sa robe presque noire. Des houblons citronnés et épicés virevoltent parmi les saveurs de céréales habilement caramélisées et rôties, flottant aisément vers une amertume équilibrée aux notes de terre et de conifères.

Arthur et Art (6%)
Arthur est la Saison classique de la maison et Art, la version mûrie en fûts de chêne avec des levures sauvages. Alors que la première rivalise avec les meilleurs exemples du plat pays, Art étonne par sa complexité, alliant agrumes, houblons herbacés et brettanomyces dans un corps sec, immensément facile à boire. Du grand Art (s’cusez-la).

Anna (6,4%)
De splendides houblons herbacés et épicés voguent sur les poussées citronnées de cette Saison, alors que des céréales miellées laissent paisiblement la place à un ressac amer, mentholé. On ne peut plus authentique, on jurerait que la magnifique Brasserie Dupont a pondu une nouvelle incarnation de sa Vieille Provision Saison Dupont.

Phenomenology et Phenomenology of Spirit (6,5%)
Finesse et buvabilité atteignent un summum dans cette Saison de couleur ébène. Vieillie en fûts de chêne ayant contenu du vin rouge avec des levures sauvages et de la flore bactérienne locale, la Phenomenology of Spirit est douée de l’arôme à la finale. Du chocolat noir aux fruits des champs, des houblons herbacés au pain rôti, tout se passe subtilement dans un corps souple facilitant les grandes gorgées. Phenomenology (sans le Spirit, donc sans mûrissement en barriques de chêne) apparaîtra sur les pompes sous peu…


Porters et Stouts

Everett (7,5%)
Prêts pour une déclaration choc? Everett est le meilleur Porter que nous ayons eu la chance de boire, tous pays confondus. Une chance que vous étiez assis, hein? Trop souvent en Amérique, ce style est galvaudé par un manque d’inspiration ou d’intérêt. La simple bière noire du menu, elle est maintes fois conçue que pour satisfaire ceux qui veulent quelques saveurs rôties et chocolatées. Ici par contre, nous assistons aux épousailles de malts divinement agencés. Raisins secs et chocolat noir se voient liés par un filet sucré rappelant la mélasse, alors que houblons résineux et céréales rôties ferment la marche, le tout dans un corps riche qui ne pèche jamais par excès. Shaun Hill a travaillé ce Porter avec Christian Skovdal Andersen, créateur de la sublime Ølfabrikken Porter (Danemark), un autre chef d’oeuvre du style. Nul doute, il a bien choisi son partenaire. Une version vieillie en barils de chêne existe aussi. Elle n’impressionne pas davantage, mais elle séduit autant!

Earl (7,2%) et Iced Earl (15%)
Velouté, ce Stout au café livre un bel équilibre de saveurs de chocolat noir et de cappuccino. Une version “de glace”, titrant 15% d’alcool, devient gâteau tiramisu, nivelé par une amertume rôtie. On ne perçoit presque pas l’alcool; un vrai tour de magie.

Fear and Trembling (9,3%)
Voici un Porter baltique brassé avec une portion de malts fumés au bois d’érable. Trois versions existent : une vieillie en barils de chêne français ayant contenu du Cabernet Sauvignon, une en barriques mouillées de bourbon et une qui se veut un assemblage des bières issues de ces deux barils. Toutes trois s’amourachent de nos papilles, laissent des traces fumées, presque salées aux côtés de dates, de malts rôtis et de chaleur d’alcool. Nous avons préféré la version Cabernet Sauvignon pour son harmonie généralisée, mais les trois réussissent à nous combler à chaque gorgée. Est-ce surprenant?

16 févr. 2011

Le Barley Wine, du Siboire, à Sherbrooke



Depuis son ouverture, le Siboire se distingue par son marketing coloré, son aménagement spectaculaire et bien sûr, par ses bières aussi variées que d’une redoutable qualité. Si plusieurs ont fait bonne impression, quelques-unes nous semblent au-dessus du lot et la plus récente est le Barley Wine, goûté en décembre 2010. À noter, il existe aussi une version mûrie en fût de chêne.

Style : Le Barley Wine du Siboire s’avère presque à mi-chemin entre les Barley Wines anglais et américain. En effet, ses houblons déploient une belle personnalité aromatique, mais sa gracieuse rondeur et la douce richesse de ses malts est caractéristique des exemples britanniques. Nonobstant les origines géographiques de son inspiration, il s’agit d’un style digestif d’une rare puissance à siroter à petites gorgées admiratives devant tant de complexité.

Disponibilité : En fût au pub seulement, quelques fois par hiver.


Le coup d’œil : Il est peu commun de voir un Barley Wine aussi attirant à l’œil. Sa superbe robe aux allures de caramel voilé est élégamment coiffée d’une dense dentelle presque blanche.

Le parfum : Réconfortants effluves rappelant le caramel de votre grand-mère, tout en subtilité de toffee, sucre à la crème, pudding et céréales grillées. Un gros dessert rempli de souvenirs de jeunesse.

En bouche : Le gâteau au caramel nous surprend par sa consistance grasse et veloutée. L’effervescence joue son rôle en empêchant le tout d’être trop lourd. Le houblon se manifeste de façon de plus en plus évidente alors que le liquide s’approche de la température ambiante. Malgré l’absence de compromis, tout est si naturel, si doux, si facile…

La finale : Les houblons Simcoe et le Columbus apportent maintenant d’agréables nuances de pin. L’alcool est intégré à merveille et se fait promptement oublier. À quand une prochaine gorgée?

Accords : Les choix au Siboire ne sont pas illimités, mais la crème brûlée comporterait certainement de beaux points de comparaison. Une place aux abords du faux foyer serait aussi de mise!

Pourquoi est-ce un grand cru? : La facilité avec laquelle cette robuste bestiole se laisse consommer est déconcertante. Tel un obèse qui remporterait le Tour de France sans verser une goutte de sueur, elle glisse sur le palais, lisse comme la soie, complètement dépourvue d’angles rudes.



Si vous avez aimé, essayez aussi : Solstice d’Hiver de Dieu du Ciel! (Québec), Polissonne de La Voie Maltée (Québec), Mea Magna Culpa des Brasseurs du Temps (Québec)

On ne s'ennuie pas!

Photos de cet article gracieuseté de Johann Schlager

Une quantité impressionnante d’événements brassicoles se bousculent en ce mois de février 2011. Ces festivals, soirées spéciales et autres anniversaires étaient certainement moins communs il y a ne serait-ce que deux ou trois ans. Décidément, il n’y a pas trop de deux Coureurs des Boires pour couvrir un tel déferlement événementiel.

Il y a deux semaines, alors que vos blogueurs étaient de passage chez Hill Farmstead, pour une première visite qui s’était fait attendre déjà trop longtemps, ils ont dû renoncer aux célébrations de l’anniversaire de la succursale de St-Jérôme du Dieu du Ciel!

La semaine dernière, c’était au tour du Vices et Versa de souffler sa septième bougie. Pouvez-vous le croire? 7 ans! J’étais persuadé que la joyeuse bande n’en était qu’à sa cinquième année.



En plus de leurs trois dizaines de fûts habituels, les lurons du Vices avait fait venir spécialement des crus de l’excellente brasserie néerlandaise De Molen. Cette brasserie se distingue par ses produits d’une rondeur exceptionnelle découlant entre autres d’une place prépondérante occupée par la levure, riche et protéinée (laquelle n’est pas filtrée évidemment). Barley Wine sirupeux et réconfortant rencontrait Saison sur stéroïdes et IPA bien huileuse. Avec un groupe de musique jouant particulièrement juste pour un tel événement, ce fut une très belle soirée pour les souriants convives.



Et la semaine prochaine dans tout ça? Rassurez-vous, elle n’est pas en reste la semaine prochaine avec la soirée Grands Crus organisé par Bedondaine. Votre blogueur favori, Martin Thibault y donnera d’ailleurs une conférence sur l’oxydation liée au vieillissement des bières, une pratique très prisée chez Bedondaine. Cet événement fera l’objet d’une couverture ultérieure. Quoi d’autre, ah oui, le Benelux organise un autre Cask Night. Vous n’avez pas oublié le dernier, j’espère? C’était un certain 13 novembre et l’événement était combiné au lancement d’un certain livre. Bref, une des soirées les plus mémorables de l’an dernier pour nous et le Benelux remet ça, fidèle à sa nouvelle tradition. Le pire? Imaginez-vous que David avait déjà réservé son samedi à une dégustation de cidres de glace à l’aveugle de grande envergure, une activité qu’il voulait organiser depuis belle lurette. Pas de chance, il devra se passer des élixirs montréalais et chamblyens cette fois-ci. Il va sans dire, Les Coureurs des Boires comporteront bientôt un article à ce sujet.

Ouf, essoufflant tout ça! Ainsi, nous en profitons pour vous annoncer que nous ferons une petite pause, question de reprendre notre souffle. Mais non, ce n’est pas vrai, nous continuerons sans relâche parce que quand on aime ça, ce n’est pas du travail.

Santé et bonnes célébrations, où que vous fêtiez!



14 févr. 2011

La Californie, paradis brassicole: de Los Angeles à Santa Barbara


Bien que la région de Los Angeles soit une des moins prolifiques sur la scène brassicole californienne, nous devons admettre que la majorité des voyageurs visitant le longiligne état y séjournent quelques jours, sinon plus. Notre désir inlassable de déguster de fins produits nous oblige donc – quelle torture, vous comprendrez – à dénicher les meilleurs établissements où s’abreuver en cervoises de tous genres. Allons-y de ce pas, alors!

À part les microbrasseries telles The Bruery, qui concoctent de belles créations en bouteilles de styles très variés (Berliner Weisse, Old Ale, Saison, American Strong Ale, etc.), la majorité des bars et restaurants de cette partie de la côte présentent leurs bières en fût. Puisque la métropole ne mérite pas un article à elle seule, nous avons même choisi d’étendre le territoire jusqu’à Santa Barbara, un peu plus au nord le long du Pacifique. Les mêmes démonstrations ostentatoires sont en évidence le long des plages, mais les institutions brassicoles de haut calibre n’y pullulent pas non plus. Ici, la Telegraph Brewing se démarque avec ses bières de soif tout simplement impeccables; leurs délicieuses California Ale, Golden Wheat Ale, Reserve Wheat, White Ale et Stock Porter apparaissent dans la plupart des magasins alimentaires de la ville.


Voici donc, sans plus tarder, notre Top 4 des bars et brouepubs où il fait bon se délier les papilles dans cette région musclée en starlettes :

Blue Palms Brewhouse
6124 Hollywood Blvd., Los Angeles


Le touriste visitant Los Angeles sera probablement intéressé à fouler le Hollywood Walk of Fame tapissé des étoiles de stars les plus célèbres. Parole de gars qui est passé par là, on s’en lasse vite. Une fois que cette satiété s’emparera de vous, dirigez-vous au Blue Palms Brewhouse. Ce bar à l’éclairage bleu feutré et aux nombreux palmiers artificiels n’impressionne peut-être pas au coup d’œil, mais Hollywood Boulevard n’a pas la réputation d’abriter les pubs les plus authentiques non plus… Ici, une foule diverse vient s’abreuver à même les 25 lignes de fût. Fréquemment, des événements spéciaux sont organisés afin de créer des happenings principalement liés aux microbrasseries californiennes dans la ville même des happenings. Le bar semble s’améliorer d’année en année et le propriétaire a su s’entourer de collaborateurs lui ayant fourni une grande crédibilité dans le milieu. Ironiquement, le Blue Palms est devenu un oasis dans l’assoiffée L.A.

Library Ale House
2911 Main Street, Santa Monica


Sur la rue principale de Santa Monica, à quelques centaines de mètres de sa magnifique plage et des charmants canaux de Venice, les restaurants aux allures exotiques abondent. Difficile de décider de la porte à franchir. Pour le connaisseur de bière, il ne devrait pas y avoir de question: le Library Ale House, ayant figuré au prestigieux palmarès des 150 lieux que l’amateur devrait visiter au moins une fois dans sa vie selon le magazine All About Beer. À l’intérieur, on découvre un bar animé où l’on sert des repas fort honorables aux accents tantôt mexicains, tantôt américains. Encore une fois, on se surprend de voir cette foule hétéroclite, quoique apparemment majoritairement constituée d’habitués, plonger à grandes lèvres dans leurs pintes d’Imperial Stout et autres Imperial IPA. Ce sont plus d’une vingtaine de fûts qui alimentent ce bar dont le caractère contraste avec la nature touristique du quartier. Difficile de trouver mieux à des kilomètres à la ronde.

Ladyface Alehouse & Brasserie
29281 Agoura Rd., Agoura Hills


Finalement, un brouepub américain qui n’essaie pas d’être l’émule de ses compétiteurs. Empreint de personnalité, des peintures de la mystérieuse dame aux longs cheveux, emblème de la brasserie, à la terrasse faisant face aux collines brûlées par le soleil, cette brasserie d’inspiration française(!) séduit dès le premier coup d'oeil. Les bières-maison, que ce soit la Dérailleur, une Bière de Garde aux malts toastés adjoignant des houblons herbacés et des effluves de levures rappelant le pain frais, la Trois Filles Tripel ou la Cheseborough IPA, ravissent les palais en quête de complexité et de saveurs franches. Si, pour une raison personnelle, les bières de Ladyface ne vous plaisent pas, les bières invitées, elles, sauront vous conquérir. Que ce soit des Lost Abbey, des Sierra Nevada ou des Bruery, vous trouverez sûrement une bière pour accompagner vos salades relevées ou vos pièces de viande cuites à point.

Hollister Brewing
6980 Marketplace Drive, Goleta


Un des héros les plus méconnus de la Calfornie ce Hollister Brewing. Un brasseur d’un talent incommensurable évolue dans ce bistro-pub bien ordinaire sis dans un centre d’achat huppé – on est à Santa Barbara, ne l’oubliez surtout pas. La plupart des bières au menu, plus d’une douzaine, sont des bières dites “de session”, c’est-à-dire des bières de soif conçues pour être bues à la pinte. Toutes exhibent un savoir-faire hors du commun et certaines développent même une personnalité envoûtante, comme la Rye ESB, la Gose et l'India Red Ale. Sa Angry Sun, une Imperial Stout au café, n'a rien à envier aux Speedway Stout et Péché Mortel de ce monde. La "The J", brassée avec du chanvre et des malts fumés, évoque un croisement entre la Fumisterie et la Charbonnière de Dieu du Ciel! tellement le corps est bien développé et les saveurs, équilibrées. Impossible de quitter Goleta sans un growler, ces cruchons de 1,8 litre, rempli de votre coup de coeur de la soirée.

Prochaine étape de notre guide: San Francisco!

11 févr. 2011

Les 10 bières les plus chaleureuses de l'hiver 2011


L'orée de chaque saison hivernale réjouit tout amateur de bière capiteuse. Et pour cause: avouons-le, le québécois moyen a la dent sucrée. Et le dégustateur de bières ne fait surtout pas exception. C'est dans cette optique que nous dressons pour vous notre Top 10 des bières les plus chaleureuses de cet hiver 2011. Chaque bière choisie peut se vanter de posséder autant de complexité que de qualités réconfortantes et toutes sont présentées dans un ordre tout à fait aléatoire puisque toutes sont aussi méritoires les unes que les autres. Bonne dégustation!


photo: Olivier Germain


La Messe de Minuit, des Brasseurs du Temps, à Gatineau :

Le feu d’artifices épicé des bières de Noël à la belge rencontre la générosité corporelle des vins d’orge à l’anglaise dans cette bière des plus festives. Anis étoilé, réglisse, coriandre et muscade s’en donnent à coeur joie sur les malts caramélisés bien portants, créant des saveurs de raisins secs aux abords d’un alcool chaleureux, mais habilement dissimulé. Une des meilleures excuses pour se rassembler à Gatineau, nul doute.

La Solstice d’Hiver, de Dieu du Ciel!, à Montréal et à St-Jérôme:

Raisins secs et dates medjool enveloppent cerises et vanille dans ce vin d’orge chaleureux. Les houblons fruités et boisés agrémentent le profil de saveurs déjà complexe et, aidés par l’alcool, réussissent à équilibrer ce mastodonte. La version vieillie en barriques de chêne, beaucoup plus rare, s’amourache davantage de toute dent sucrée, étant généreuse de ses effluves de vanille et de fruits confits. Ouf, que c'est bon de s'emmitoufler dans un tel Barley Wine!



La Porter Baltique, des Trois Mousquetaires, à Brossard:

La sensualité d'un chocolat noir s’harmonise à quelques mûres, sculptant un nectar frisant la décadence. Des malts rôtis enduits de mélasse savent conclure chaque gorgée d’une amertume juste, talonnée par une chaleur d’alcool. Jonathan Lafortune, maître-brasseur, nous offre ici de quoi pouvoir hiverner sans crainte.

La Jean dit Laforge, de la Microbrasserie d’Orléans, à Sainte-Famille:
Une autre grande noire bien rondelette, ce Porter Impérial séduit par ses malts chocolatés et rôtis agencés à des houblons boisés, bien amers. L’effervescence soutenue, la touché vanillée et la retenue des sucres résiduels font de ce dessert couleur ébène un véritable plaisir à déguster… à grandes gorgées.


photo: Olivier Germain


La Reyne Descosse, de Bedondaine et Bedons Ronds, à Chambly:
Un invitant caramel séduit les papilles de ses longueurs sucrées, alors que quelques incantations fruitées façonnent une complexité sous un chocolat au lait. Le corps velouté de cette Scotch Ale exige presque une examination à repetition tellement il transmet les saveurs savamment. Nicolas Bourgault, Bedondaine lui-même, nous offre une version “gelée” de cette bière à tous les hivers, dans laquelle les sucres ont été concentrés à la manière d’un cidre de glace (par exemple). Cette incarnation fait pencher la reine… vers un royaume encore plus sensuel, si cela est possible.

La Triple Bock, du Cheval Blanc, à Montréal
Une des rares lagers à se pointer le bout du nez l’hiver au Québec, cette Doppelbock amplifiée est si généreuse de son corps qu’on en perd le nord. Ses somptueux malts Munich fondent un profil de saveurs aussi riche qu’élégant, valsant du caramel brûlé aux petits fruits des champs. Ses sucres résiduels amples et son alcool chaleureux ferment la marche langoureusement. Le genre de bière qui nous oblige à se lécher les lèvres…



La Yule, de Hopfenstark, à L’Assomption
Des épices à dessert se prélassent dans le corps soyeux de cette bière de Noël, construit par des sucres résiduels bien nivelés. Des raisins noirs explosent sur des céréales miellées, supportant la cannelle, la muscade et les clous de girofle à l’unisson. Une délicieuse version réchauffée est parfois servie au pub ou lors d’évènements spéciaux. Qui a dit que le glühwein devait régner en roi et maître sur le royaume des boissons alcoolisées chaudes?

La Ouchuparké, du Broadway Pub, à Shawinigan
Des pétales de fleurs décorent des élans muscadés, alors que les levures de Weizenbock produisent des parfums de clou de girofle et de banane. Tout est marié intelligemment, dans un corps douillet. Que nous sommes chanceux en Amérique de ne pas tenir rigueur à la Reinheitsgebot, cette loi de la pureté allemande qui interdit l’utilisation d’épices, entre autres, dans la bière. Cette création de Marc Ducharme n’aurait jamais pu voir le jour!

La Barley Wine, du Siboire, à Sherbrooke
Spectaculaire dès la mise en verre, ce Barley Wine, bien que muni d’une texture crémeuse et d’un corps dodu, ne souffre pas d’embonpoint. En effet, il se boit avec une facilité déconcertante. Un vrai gâteau de malt bien relevé par des houblons résineux. À noter : Jonathan Gaudreault a aussi laissé mûrir une portion du brassin en fût de chêne.



La Special B, du Brouhaha, à Montréal
De l’aveu du maître-brasseur Marc Bélanger, sa Special B, récemment embouteillée et nommée ainsi en l’honneur du malt éponyme, se développe nettement mieux en bouteille. Il faut lui donner raison, c’est là une bière d’une grande profondeur fruitée, mais aussi très ronde et sertie d’admirables nuances de chocolat, de toast, de noisettes, En arrière-plan, l’alcool demeure une arrière-pensée. Voici une Quadrupel autant accomplie que chaleureuse.

9 févr. 2011

Hill Farmstead: une brasserie d'exception (partie 1)



Introduction :
Dans La route des grands crus de la bière - Québec et Nouvelle-Angleterre, la section 3 présente les produits qui, à notre avis, constituent les grands crus brassicoles de la région. Puisque certaines brasseries affichent une excellence généralisée, nous leur consacrons quelques pages plus détaillées et les sacrons brasseries d’exception. Nous avions promis d’utiliser le blogue Les Coureurs des Boires pour certaines mises à jour de ce contenu évolutif.
C’est dans ce contexte, qu’en deux interventions, nous vous présenterons une nouvelle brasserie d’exception : Hill Farmstead, microbrasserie issue de la campagne du Vermont.

Coordonnées :
HILL FARMSTEAD | 403 Hill road | Greensboro Bend, Vermont 05842 | info@hillfarmstead.com | 1-802-533-7450

Comment s’en procurer :
Les bières sont encore difficiles à obtenir. La façon la plus simple est via les Importations Privées Bièropholie. Au cours des prochaines années, ce club d’importations privées vise à passer 2 à 3 commandes par année auprès de cette brasserie d’exception. Il s'agit d'une rare opportunité d’obtenir quelques bouteilles exclusives.
Sinon, vous pouvez évidemment vous rendre sur place. La vue est charmante, mais la route peut être longue. Comptez au moins deux heures à partir de Montréal, excluant les douanes et planifiez un conducteur désigné. Le salon de dégustation ouvre du mercredi au samedi, de midi à 17h. Attention, il est très facile de se perdre dans les chemins de campagne à proximité de la ferme.
Alternativement, certains bars du Vermont offrent les produits de Hill Farmstead en fût. Les mieux positionnés pour l’amateur de bière sont le Farmhouse Tap & Grill (160 Bank St., Burlington) et le Black Back Pub and Fly Shop (1 Stowe St., Waterbury)





Pour poursuivre ce reportage, nous vous proposons de reprendre le format qui a été utilisé pour les brasseries d’exception dans La Route des Grands Crus de la Bière – Québec et Nouvelle-Angleterre.

Traits distinctifs :
Le concept de cette brasserie fermière à la manière belge nous plaît d’emblée, mais d’autres s’y sont frottés avec moins de succès. Il vaut peut-être la peine de visiter l’historique de l’instigateur du projet pour comprendre la particularité de ce projet.
Le brasseur, Shaun Hill, a appris les rudiments du métier dans sa jeune vingtaine chez Trout River. C’est toutefois chez The Shed, à Stowe, qu’il a commencé à expérimenter davantage et à établir ses créneaux principaux qui alimentent désormais sa réputation internationale. À Stowe, Shaun fut un des premiers brasseurs du Nord-Est des Amériques à produire une gamme d’India Pale Ales dignes de celles qu’on retrouve sur la côte ouest : profondément aromatiques grâce à un houblonnage à cru substantiel et dont les céréales, fraîches et franches, mais subtiles et sèches, n’empiètent jamais sur l’hymne du houblon. En parallèle, sous l’influence des Southampton, Ommegang et autres Mckenzie, il était tombé sous le charme de la Saison, cette bière de soif belge au caractère de levure marqué. Il développa une vaste gamme de bières de type Saison chez The Shed, laquelle a attiré les regards de nombreux amateurs dans les festivals. Le réseau de distribution limité de ce broue-pub a toutefois mitigé l’engouement pour les bières de The Shed.
Jeune et mobile, Shaun prit ensuite son envol pour le Danemark, qui vivait et vit toujours une révolution brassicole probablement encore plus dynamique que celle du Québec. Les Danois avouaient rechercher chez Shaun un maître-brasseur américain spécialiste dans le maniement du houblon. Nul doute que Shaun aurait pu y mener une belle carrière, mais le mal du pays s’empara de lui; il revint à la ferme familiale pour développer sa propre brasserie et redorer le blason de l’une des familles les plus anciennes du Vermont. Le résultat : Hill Farmstead, qui, du haut de ses quelques mois d’existence, produit déjà une quantité impressionnante de chefs d’œuvres. Les brasseries nous ayant tant charmés au cours de leur première année d’exploitation se comptent sur les doigts d’une main. Inutile de dire que la demande surpasse l’offre.
Il y a certainement de quoi charmer l’imaginaire dans cette histoire de jeune prodige qui aurait pu conquérir le monde sur la route, mais qui, équipé de bonnes valeurs, a voulu ennoblir l’honneur familial en revenant monter sa propre entreprise sur sa terre natale.

Un moment magique :
Étant donné le jeune âge de la brasserie, nous n’avons pas encore eu l’occasion d’en vivre des masses, mais le Winter Gathering du début février 2011 nous a laissé entrevoir le niveau d’excellence déjà hors du commun de cette brasserie d’exception. Qui plus est, le jeune âge du brasseur et ses nombreux contacts internationaux nous laissent anticiper des collaborations et des créations audacieuses. Nous en salivons déjà.



Domaines d’excellence :
Hill Farmstead constitue déjà une brasserie brillant sur plusieurs fronts. Nous sommes d’ailleurs convaincus que cette polyvalence s’accroîtra au fur et à mesure que la gamme des produits se développera.
Pour l’instant, il faut reconnaître que les ales fortement houblonnées de Shaun Hill, que ce soit une Pale Ale Américaine, une India Pale Ale ou une Imperial India Pale Ale se démarquent par leur haute voltige aromatique et leur structure irréprochable. Fraîches, elles sont mémorables. Ça tombe bien puisque la rareté des bières de Hill Farmstead, combinée avec leur jeunesse, fait qu’il est presque impossible de trouver une de leurs bières dans un état défraîchi.
Parallèlement, Hill Farmstead excelle dans la création de Farmhouse Ales inspirées de la Saison belge, rustique et levurée. Cependant, où la Saison, bien que complexe, ne recherche absolument pas à être compliquée, Shaun Hill adopte une approche plus scientifique, plus sur mesure, l’amenant à expérimenter davantage avec certaines souches de levures sauvages, bactéries, barriques de chêne ayant contenu un alcool en particulier. Jusqu’ici, les résultats témoignent d’une impressionnante maîtrise de ces techniques avancées.

Un projet d’avenir :
La brasserie est encore jeune et a bien plus d’un projet! L’agrandissement de la brasserie pour répondre à la demande croissante, l’organisation d’événements sur la ferme, l’embouteillage d’une plus grande quantité de brassins, l’acquisition de nouveaux barils, des collaborations avec des confrères brasseurs... Attendez-vous à de belles joies si vous faites le détour par Greensboro, Vermont.




La suite de ce reportage: Hill Farmstead, au Vermont (Partie 2)

3 févr. 2011

La Californie, paradis brassicole: 2e partie - San Diego


Voici maintenant notre Top 5 des microbrasseries de la région qui ne possèdent qu’un petit salon de dégustation à la brasserie même. Leurs bières sont plutôt distribuées en bouteilles dans les bons magasins des environs et aussi en fût dans les bars à bières. Malgré qu’il puisse être intéressant de visiter chacune de ces brasseries, leurs quartiers industriels respectifs sont loins d’être aussi attirants que la majorité des autres lieux où nous pouvons trouver leurs produits.

Alesmith Brewing
Bien que cette microbrasserie jouisse d'une solide réputation sur les sites Web américains de Ratebeer et BeerAdvocate, ses bières se voient très peu distribuées, même aux alentours de San Diego. Toutes ses ales, de la X Pale Ale savamment fruitée à la capiteuse Wee Heavy, de l'effervescente IPA citronnée à la Speedway Stout (une somptueuse Imperial Stout au café), tout est fait avec aplomb. Heureusement pour nous qui ne pouvons pas visiter la Californie régulièrement, les bières d’Alesmith apparaissent mystérieusement sur les tablettes de certains détaillants au Massachusetts depuis quelques années…

Alpine Brewing
Alors que plusieurs brasseries de la côte ouest américaine se gonflent le fourquet avec des bières de plus en plus lourdes et extrêmes, Alpine a décidé de se concentrer sur des Pale Ales et des India Pale Ales sèches, toujours facile d’approche. Leur bière phare, la Alpine Ale, sert des saveurs de malts biscuités et légèrement miellés agencés à des houblons aux notes d’agrumes et d’herbes. Leur Pure Hoppiness est tout aussi aguichante, même si elle titre 3% d’alcool de plus. Les houblons ressortent brillamment, sans toutefois sembler agressifs. Vivement plus de brasseries comme Alpine qui savent rallier les amateurs de bières doucement parfumées aux amants de l’intensité gustative.

P.S.: Vous aurez compris que cette brasserie n'a rien à voir avec la Alpine du Nouveau-Brunswick. ;)

Ballast Point Brewing
Autrefois un secret bien gardé, cette microbrasserie inspirée a décidé de sortir de son terreau tout récemment afin de pouvoir faire briller les créations de son maître-brasseur sur une scène plus élargie. Leur époustouflante Sculpin IPA a tous les atouts pour impressionner le chasseur d’India Pale Ales le plus exigeant. Impossible de tarir d’éloges aussi pour leur Victory at Sea Imperial Porter, d’une richesse inouïe. Et le brasseur ne se limite pas aux styles populaires de la côte ouest. Très inventif, on peut voir sur les pompes des India Pale Lagers, des ales sures aux fruits, d’autres vieillies en barils de rhum maison, et plus encore.

The Lost Abbey / Port Brewing
Le rêve de Tomme Arthur concrétisé. En quelques années, ses chaudrons du Pizza Port Solana Beach sont devenus les anciennes cuves de Stone Brewing à San Marcos (voir la 1ère partie de ce guide pour des infos sur chaque établissement) et sa douzaine de barils de chêne dans la cour arrière de la pizzeria est devenue une usine remplie de presque 600 fûts de bois de provenances diverses. Dans ce terrain de jeu, Tomme et son équipe concoctent une pléthore d'ales toutes aussi élégantes les unes que les autres: IPA de tous genres (évidemment), Stouts goûteux et ales de styles belges racées côtoient au menu des créations telles un Black Barley Wine (la Old Viscosity), une Quadrupel aux griottes avec brettanomyces (la Cuvée de Tomme) ainsi que de surprenantes bières acides inspirées des lambics belges (Framboise di Amarosa, Duck Duck Gooze, Red Poppy, etc.). On crie au génie tellement l'exécution frise la perfection, peu importe le style brassé. Un "must" parmi les "musts". Oh, et son vin d'orge, la Angel's Share, pourrait faire commettre plusieurs infidélités à tout amoureux de la bonne vieille Thomas Hardy's Ale.

Green Flash Brewing
Encore une autre brasserie du comté nord de San Diego qui sait épater à chaque brassin, ou presque. Sa West Coast IPA n'a rien à envier à celle de Stone, son Barley Wine semble être cousin de la sublime Bigfoot de Sierra Nevada et sa Hop Head Red peut se targuer d'être la "rousse" la plus charmante de la région. Avec quantité de Stouts tous aussi dodus les uns que les autres, des styles belges bourrés de caractère - sans être trop authentiques, cependant - et une gamme d'ales fortes vieillies en barriques de chêne, Green Flash mérite de figurer sur la liste d'achats de tout dégustateur visitant la région de San Diego, au même titre que les brasseurs les mieux connus des États-Unis. La liste sera longue, n'est-ce pas?

Prochain arrêt pour ce guide de voyage: on monte tranquillement vers le nord... et on s'empêtre à Los Angeles.