25 nov. 2010

Où vont les prix de la bière (partie 2: l'offre)

La dernière fois, nous avons couvert les facteurs influençant la demande de bière et conclut que les prix risquaient d’augmenter. Si vous avez manqué l'intervention précédente:
Où vont les prix de la bière? (partie 1)

Voyons maintenant si cette tendance ne pourrait pas être renversée par d’autres facteurs.

Principaux facteurs faisant varier l’offre de bière

Prix des matières premières

Portrait : Une hausse soutenue des prix des ingrédients, principalement du malt, diminue la rentabilité de l’industrie et la rend moins attrayante aux yeux des investisseurs. Ils recherchent alors de meilleurs investissements. Actuellement, bien malin est celui qui sait dans quel sens évolueront les prix. Par exemple, la fameuse pénurie de houblon qui faisait grincer des dents tous les brasseurs du monde appartient désormais au passé; les prix sont très volatils. Pour tout vous dire, si j’avais la moindre idée des niveaux qu’atteindront les prix des ingrédients au cours des prochaines années, je serais en train de convertir cette information en profit au lieu de perdre mon temps à bloguer pour une poignée d’irréductibles lecteurs (on vous aime Albertine, Alphonse et Gontrand!)

Conclusion : de façon générale, les économistes s’attendent à des hausses de presque toutes les ressources cultivées. On pourrait donc s’attendre à une diminution de l’offre et par conséquent des prix, mais qui sait?

Contraintes légales, interventions gouvernementales

Portrait : Les démarches à entreprendre pour démarrer une microbrasserie demandent un réservoir inépuisable d’énergie. Les délais d’obtention des permis en rebutent plus d’un. Impossible d’être microbrasseur sans ceux-ci. Des pressions sont parfois exercées auprès du gouvernement pour faciliter l’accès au marché, mais avouons que les brasseries déjà établies n’ont plus avantage à ce que de nouveaux joueurs entrent dans le marché; le lobbysime demeure donc à faible portée. En revanche, le gouvernement est loin d’être fidèle à ses propres convictions en n’assurant aucun contrôle des bières sur nos tablettes. Ce serait un sujet pour un autre article que de déterminer si le gouvernement devrait s’impliquer davantage en ce sens, mais rien n’indique que des interventions gouvernementales viennent compliquer davantage les contrôles entourant la fabrication et la mise en marché de la bière. À l’inverse, aucun indice ne laisse présager que le gouvernement se mettra à subventionner l’industrie outre mesure. Conclusion : statu quo


Changements technologiques


Portrait : Si un de nos savants biérophoux inventait une embouteilleuse plus efficace que tout ce qu’on trouve sur le marché, qui ne prend pas de place et qui coûte 100$, gageons que nous verrions déferler beaucoup de nouveaux produits en bouteille. En effet, les coûts de production seraient amoindris. À part ces utopies, l’industrie de la bière artisanale ne subit pas vraiment de chocs technologiques extérieurs majeurs.
Conclusion :
statu quo

Encore ici, d’autres facteurs pourraient être invoqués, mais globalement, nous retirons de cet exercice qu’il est difficile de prédire dans quelle direction l’offre évoluera à moins de disposer de la boule de cristal de Monique Jérôme-Forget qui permet d’écarter tout doute résiduel quant aux futurs prix des matières premières.

Y aurait-il un biais de l’offre?

J’ajouterais toutefois un facteur digne de mention qui ne figure pas aux manuels d’économie classiques. La bière artisanale est un milieu d’artisans. Les gens qui s’y aventurent occupaient souvent des emplois bien rémunérés avant de tout lâcher et de prendre un risque. Ils ne le feraient pas s’ils n’avaient pas espoir que leur passion leur permette éventuellement de mettre du pain sur la table. Cependant, ils ne le font pas nécessairement dans la logique pure de l’investisseur cherchant à maximiser son profit, un postulat sous-tendant les théories économiques. Pour un artisan, vivre de son art est un profit en soi qui est ajouté à son profit en dollars. L’offre traditionnelle est donc biaisée.

La résultante de ce biais? Nous l’observons à chaque fois que nous croisons un de ces nombreux passionnés qui a entendu l’appel : « Moi, c’est sûr que d’ici cinq ans, j’ai ma brasserie », disent-ils. Peu le font, mais au Québec, on en compte quand même environ cinq par an depuis plusieurs années.

Il y a donc quand même une augmentation de l’offre! Cette hausse d’offre se traduit par un ajout de profondeur au marché et en augmente l’intensité de la concurrence. Et qui dit concurrence dit nécessité d’avoir des prix concurrentiels sans lesquels le client ira cogner sur la porte du voisin. Ainsi, plus nous avons de brasseries, plus celles-ci ont intérêt à limiter la hausse de leurs prix de vente (à moins qu’elles ne forment un cartel comme les pétrolières!).

Il s’agirait donc de déterminer si la pression à la hausse sur les prix exercée par la demande en hausse est plus puissante que celle à la baisse exercée par l’offre, aussi en hausse? Sur le marché en général, oui. Dans le marché de la bière artisanale, je n’en suis pas si sûr.

Nous verrons pourquoi lors de notre prochaine intervention...



Pour lire la portion suivante de ce dossier:
Où vont les prix de la bière? (partie 3)

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Monsieur l'économiste, pourquoi les grosses microbrasseries sont les seules à se compétitionner sur le prix des six-packs ? Est-ce que l'amateur de bière pas chère sera satisfait de l'achat d'une St-Ambroise Pale Ale si son intérêt pour cette bière est qu'il l'a acheté à $7.99 ?

Goldorak a dit…

Je peux-tu répondre a monsieur Anonyme? Les grosses microbrasseries ont des économies de gros, sur les grains, houblons, bouteilles, caisses et autres. Ils ont des capacités de brassage plus élevées et un système d'embouteillage plus efficace, ce qui requiert moins d'employés en ratio de production. Et ils ont les capacités logistiques pour livrer la bière à bas prix. Tous des facteurs qui leur donnent la capacité de faire des bas prix et se reprendre sur le volume. Moi j'ai fait quoi aujourd'hui? J'ai collé des étiquettes avec de la colle en bâton - même pas fait une palette au complet en une journée - parce que notre étiquetteuse est brisée. Ca fait grimper les coûts de production en ti-pépère. C'est un exemple parmi tant d'autres, pas mal toutes les petites micros opèrent comme ça de temps à autres, on roule avec les moyens du bord, ou du bord du bord quand le bord prend le bord. C'est pour ca que les petits vendent pas leurs 6-pack en bas de 12$.

Stéphane Gariépy a dit…

Je ne pense pas que les micros devraient nécessairement compétitionner au niveau des prix. J'aime bien l'analogie du livre qui dit qu'on peut comparer le marché des bières à la restauration. Il y a un marché pour les fast-food et un marché pour les restos 5 étoiles. Chacun ciblent une clientèle différente. D'après moi, le vrai avantage compétitif que les micros devraient rechercher c'est la qualité, le goût, la complexité, l'originalité, etc. Si ces bières se démarquent, elles seront vendues et recherchées par les amateurs et le prix aura peu d'influence sur les ventes.

Le coach! a dit…

Monsieur Anonyme.

Il y a plusieurs facteurs qui expliquent la différence des couts.

Goldorack à enuméré la différence dans la production mais il ne faut pas oublier les ingrédients. Dans la production d'une Ale de Macro versus une Ale de Micro les ingrédients et leurs qualités sont d'un monde a part.

Les houblons, malts et autres que les micro utilisent sont bien plus dispendieux que ceux que utilisent Molson Labatt et compagnie. De plus si nous enlevons les couts de marketing sur une caisse de bud ou coors light, le six packs serais aux alentours de 2$ juste pour vour dire la qualité des dit ingrédients.

Et si ont doit comparer avec des totos, alors disons le, les macros sont des toyotas, ford ou kia, pas si pire, pas plus qu'il le faut mais les micros elle varient entre les bentleys et les ferrari, l'artisan, le savoir faire et la qualité ca ce paie comme partout dans le monde.